De mon séjour au littoral belge, à De Haan, j’ai déjà présenté des œuvres exposées pour la saison estivale dans les différentes villes côtières.
Dont :
Cette œuvre de Xu Zhen est inspirée de la statue en bronze du Cap Artemision. Datant de 460 avant Jésus-Christ, cette statue a été retrouvée dans une épave romaine au fond de la mer, tout près du Cap Artemision, sur la Côte grecque. On ne sait pas si elle représente Poséidon, le dieu de la mer, ou Zeus, le dieu du ciel. Xu Zhen a copié cette sculpture séculaire et a placé des canards de Pékin, une spécialité chinoise, sur ses bras. Le canard de Pékin est connu depuis le quatorzième siècle : c’était un plat très apprécié à la cour impériale chinoise. Depuis, il est devenu un symbole national, qui représente la culture chinoise dans les dîners diplomatiques.
Xu Zhen mélange dans son œuvre deux éléments, l’un issu de la culture occidentale et l’autre de la culture orientale. Il reconnaît que dans la réalité, une certaine retenue caractérise les échanges culturels entre l’Europe et la Chine, causée par des préjugés culturels et le fait que chacune des parties interprète l’histoire à sa façon. Xu Zhen réfléchit au développement d’une culture et d’une civilisation basées sur la mythologie, et affirme que les interprétations historiques ne sont pas aussi déterminantes qu’on le pense souvent. Le fait que l’on ne sache toujours pas si la statue représente Poséidon ou Zeus n’est qu’une preuve que la façon dont nous comprenons notre propre culture change sans cesse. Cette œuvre fait partie de The Eternity Series, une collection de sculptures mélangeant des objets d’art historiques occidentaux et orientaux.
Voici celles que malheureusement je n’ai pu aller admirer. Je découvre ces éléments sur une présentation internet particulièrement intéressante.
Avec seulement un socle en guise de corps et leurs visages identiques, les De Drie Wijsneuzen affrontent les éléments à La Panne. Leurs silhouettes monolithiques ponctuent le littoral. Ils sont les gardiens, ou les anges gardiens, de ceux qui partent en mer, et les protecteurs symboliques du port ou de la ville balnéaire. Ce sont des statues ayant servi à l’origine de balise ou d’indicateur et devenues à leur tour des pôles d’attraction touristiques au fil du temps. D’indicatrices de direction, elles sont devenues des destinations.
L’œuvre de Stief DeSmet se situe souvent à la lisière fluide entre la nature et la culture. Monument for Cervus Vitalis #2 (Malus Sylvestris) est une statue en bronze grandeur nature d’un cerf. Les lignes de fracture entre les différentes parties du corps sont très visibles, et certaines parties de l’animal ont même été carrément supprimées. Ces éléments suggèrent que la statue n’est pas un ensemble fini, mais une phase du processus. À moins qu’il ne s’agisse d’une décrépitude, référant aux sculptures antiques, avec leurs parties manquantes? Des branches surgissent aussi de la statue, comme si le cerf mutilé, mais fier, était encore un terroir fertile pour une nouvelle vie.
L’œuvre de Ryan Ganders, Really Shiny Things That Don’t Really Mean Anything est une grande balle constituée d’un tas d’objets brillants dont la fonction n’est pas claire. Le titre semble indiquer que les objets individuels ont des formes aléatoires, mais aussi que la sculpture dans son ensemble n’a aucune signification. Mais il y a une nuance importante: le créateur de l’œuvre, l’artiste, ne souhaite pas donner d’explication claire de la signification de son travail et sait que les spectateurs y donneront chacun la leur. Il apprécie ces interprétations, qu’il considère comme des contributions à son œuvre. Ryan Gander: « L’œuvre change considérablement selon l’endroit où elle est présentée. Pour moi, c’est typique de toutes les œuvres d’art exposées dans l’espace public ou en dehors d’un lieu neutre comme une galerie. Il en va de même pour le spectateur: l’œuvre a une signification différente pour chacun. Elle n’a donc pas de signification établie, mais change en fonction du contexte et du public. »
Pour Ryan Gander, c’est le propre de l’être humain d’aimer ce qui brille, parce que nous sommes naturellement fascinés par notre propre reflet et par une réalité parallèle. « C’est dans la nature humaine de regarder son propre reflet et d’être intrigué par son apparence. Nous savons par exemple à quoi ressemble Mars sans jamais y être allés. C’est la tension qui entoure ce qui est extraterrestre. Ce qui est à la fois familier et inconnu. L’inaccessible. »
Chaque bulot, ou « wullok » en flamand occidental, est un chef-d’œuvre de perfection. Ces coquillages se forment en suivant les règles du nombre d’or, ou la suite de Fibonacci, ce qui signifie que chaque partie du coquillage est parfaitement proportionnelle à l’autre partie. Façonné par la logique secrète de la mer, chaque coquillage, quelle que soit sa taille, arbore un rapport parfait des proportions entre son début et sa fin.
Dans son œuvre, l’artiste Stief DeSmet s’intéresse à la friction entre la nature et la culture. Pour Beaufort, il s’est donné pour mission de reproduire un bulot dans sa forme naturelle. Son étude du bulot cadre dans sa fascination de la nature, bien supérieure à l’être humain et à l’artiste en matière de ‘création’.
Ce Monument for a Wullok est un monument pour la mer, une ode à sa puissance et à son caractère indomptable, et aux secrets qu’elle rechigne à dévoiler. Sachant que le pari est perdu d’avance, Stief DeSmet rend la sculpture à la mer et laisse le sable et l’air salin de la mer triompher sur le bronze. Celui-ci se couvre d’une couche verte et brune grumeleuse, contrastant avec sa partie intérieure, lisse et bien finie, dans laquelle on peut entrer, là où nous prétendions entendre le bruit de la mer quand nous étions enfants.
À une époque où les gratte-ciels, centrales nucléaires et barrages symbolisent le pouvoir de l’être humain sur son environnement, cette sculpture, avec ses soudures et traces de coulage visibles, nous contraint à la modestie vis-à-vis de la nature et de la mer.
Katja Novitskova s’intéresse à la façon dont nous « voyons » littéralement la nature, à travers les photos de plus en plus nombreuses que l’on trouve sur Internet et dans les grandes bases de données. Elle étudie comment la taille et le type de photo, ainsi que la façon dont celle-ci nous parvient, influencent notre interprétation.
Pour Pattern of Activation (Mutants), Novitskova a étudié les changements écologiques du Littoral dus au réchauffement climatique et à la mise en place de conduites et d’éoliennes. Le nombre et la diversité des animaux morts qui s’échouent sur la plage permettent indirectement de mesurer l’impact de l’être humain sur l’écosystème.
Depuis l’avènement de l’internet, nos navigateurs sont ancrés dans les mythologies des débuts de la mondialisation. Ils portaient des noms comme Navigator, Explorer, et plus tard Safari. L’imposante sculpture The Navigator Monument de Simon Dybbroe Møller est basée sur le logo d’un ancien moteur de recherche. Netscape Navigator a perdu sa position dominante sur Internet à la fin des années nonante, au profit de Microsoft Explorer, dans ce que l’on nomme souvent la « première guerre des navigateurs ». Dybbroe Møller a coulé le logo du gouvernail digital en bronze, un matériau extrêmement durable utilisé depuis 5.000 ans déjà. Maintenant qu’il revient dans son contexte maritime, l’environnement salin va accélérer le processus de patine et le gouvernail va virer au vert tout comme le logo Netscape original.
La sculpture est présentée avec pour toile de fond l’immensité du ciel et de la mer du Nord, un décor en perpétuelle mutation. Le hasard fait bien les choses, puisque c’est Westende, une ville construite par la famille de Paul Otlet, le précurseur de l’internet, qui abrite ce monument d’une ancienne application Internet.
A suivre pour des œuvres tout aussi exceptionnelles.