Bien souvent, j’entends des humains dire fièrement que leur chien est un “régulateur”.
Et 90% du temps, l’humain en question est un dresseur de chiens, qui travaille en méthodes coercitives. (À savoir : ils éduquent par la peur et la contrainte).
Je pourrais vous en citer quelques-uns, très populaires sur Youtube malgré leurs méthodes extrêmement violentes. Malheureusement, dès qu’un lanceur d’alerte ose les critiquer publiquement, ils envoient une armée d’avocats et de cyber-harceleurs afin de protéger leur réputation. (Une éducatrice canine que je connais en a été victime).
Je ne peux donc pas vous donner de nom, mais faites l’expérience :
Tapez “Éducation Chien Régulateur” sur Youtube, et regardez les résultats.
Sur les 3 premières vidéos, 2 racontent des aberrations scientifiques, sans aucun lien avec l’éthologie du chien.
Dans cet e-mail, nous allons décrypter ces vidéos, lire le langage corporel des chiens filmés, et apporter un regard scientifique sur ce qu’il se passe réellement devant la caméra.
Alors quel est ce mythe du chien régulateur, et pourquoi est-il si dangereux ?
“Le chien régulateur” : un mythe bien utile aux dresseurs coercitifs
Ceux qui se vantent d’avoir un chien “régulateur” décrivent leur chien comme un “professeur”, ou “thérapeute”. Une sorte de “Maître Yoda” version canine, qui remet en place les chiots trop excités et qui punit les chiens agressifs.
Ces grands gurus du dressage canin affirment que leur chien a été “dressé” pour devenir régulateur. Ils prétendent que c’est leur chien, le régulateur, qui va “rééduquer” le chien de leurs clients.
La réalité est moins glorieuse.
Ces dresseurs mettent en scène des chiots qui se font littéralement cartonner.
En réalité, ces fameux chiens “régulateurs” sont eux-mêmes mal sociabilisés. Ce sont des chiens qui tolèrent très mal le contact ; et qui démarrent au quart de tour. Ils ont des réactions violentes et démesurées.
La seule différence avec le chien qu’ils sont sensés “rééduquer”, c’est qu’ils sont plus gros et plus âgés. Le combat n’est pas équitable.
Voici quelques images issues de ces “protocoles de rééducation” :
Souvent, le chien à rééduquer est en laisse courte - contrairement au “régulateur”, qui est détaché. On sent les 2 chiens extrêmement tendus.
Au montage vidéo, le dresseur n’hésite pas à mettre en scène les chiens qui se battent, pour montrer fièrement le “avant-après”.
Pour rappel, chaque interaction désagréable traumatise encore un peu plus un chien réactif. Chaque bagarre renforce ses comportements agressifs d’auto-défense. Ce genre de situation est donc à exclure à tout prix d’un protocole de rééducation. Pourquoi donc le mettre en scène délibérément ?
Plutôt que d’éviter ces conflits, les dresseurs les encouragent (mais attention, uniquement si c’est LEUR chien “régulateur” qui a le dessus). Dans cette vidéo, le dresseur encourage son chien à “dominer” le pauvre chiot réactif.
Son Berger Allemand, lui-même mal sociabilisé, chevauche le chiot, très mal à l'aise, qui tente de se défendre. Mais dès que le chiot se rebiffe, le Berger Allemand “régulateur” l’attaque férocement, le plaque au sol, et le “soumet” (je cite ici le dresseur de chien).
Le tout est filmé et mis en scène avec une musique dramatique. Ça pourrait être drôle si le pauvre chiot ne se faisait pas victimiser.
Pour le dresseur, c’est une victoire. En réalité, c’est un énorme pas en arrière dans l’éducation du chiot. En une vidéo de quelques minutes, il a causé des dégâts irrattrapables. On ne rééduque pas, on traumatise.
Pourquoi le mythe du chien “régulateur” est-il dangereux ?
D’abord, un chien réactif congénère le fait pour une raison : il a peur.
La première chose à faire, dans sa rééducation, est de lui faire vivre des expériences sociales agréables. Des rencontres avec des chiens respectueux, joueurs… bref, gentils.
Ici, c’est tout l’inverse. Ces dresseurs mettent un contact : un gros chien sûr de lui, mais très mal sociabilisé au point d’en être agressif - le régulateur - et un jeune chien apeuré et réactif.
Alors évidemment : ça se bagarre. Et évidemment, le gros chien gagne.
Le jeune chien, qui vient de se faire violemment attaquer, n’ose plus broncher. Il ne montre plus de signes directs d’agressivité. A la place, il tente de fuir. Et les dresseurs s’en félicitent.
Que se passe-t-il réellement dans la tête du jeune chien ?
D’une part, il est renforcé dans l’idée que ses congénères sont dangereux. Autant vous dire que chaque nouvelle interaction sera extrêmement anxiogène pour lui.
Ensuite, il apprend que chaque rencontre démarre avec un rapport de force. Il n’est pas rare, dans les vidéos, de voir des chiens se battre violemment, pour ensuite jouer ensemble quelques jours plus tard. Le dresseur se dit alors que son processus d’éducation est réussi.
Mais dans toutes ses prochaines rencontres, le jeune chien répètera le même schéma qu’en Club Canin : il commencera ses interactions avec un rapport de force. Mais ça, les vidéos ne le montrent pas…
Est-ce cela, un chien sociabilisé ? Une éducation réussie ?
Tous les comportementalistes et éducateurs canins compétents vous diront que non. Aucun d’entre eux se vantera d’avoir un chien “régulateur”.
En revanche, ils sont unanimes sur un point : il est très important d’inclure d’autres chiens pour sociabiliser votre toutou. Mais attention : pas n’importe lesquels !
Avec quels types de chien sociabiliser mon toutou réactif ?
N’oublions pas que les rencontres doivent être des expériences agréables. Alors pour les rencontres, votre éducateur doit vous proposer un chien sociable, et bien codé. En d’autres termes :
- un chien qui aime le contact ;
- un chien qui comprend le langage des congénères - en cas de malaise, il n’insiste pas et va voir ailleurs ;
- un chien qui sait communiquer de manière proportionnée. Face à un congénère un peu trop excité, voir harceleur, il saura le remettre en place avec un grognement, un claquement de dents, mais pas plus.
Par exemple, de mes 3 chiens, Maki ne serait pas un bon chien pour l’expérience, car lui-même est parfois tendu lors d’une nouvelle rencontre. Merlin non plus, parce qu'il est très excitable et vocalise énormément.
Pénélope, en revanche, est un excellent chien pour travailler la sociabilisation.
Par exemple :
elle s’approche des chiens lentement, avec de légers appels au jeu
si le chien montre un signe d’inconfort, elle repart
si le chien veut jouer, mais a peur, elle a tendance à se coucher pour être moins intimidante
en revanche, si le chien est malpoli, elle le remet en place gentiment en grognant. Le message est reçu, sans violence.
Voilà le type de chien qu’un bon éducateur vous présentera pour sociabiliser votre loulou réactif !
Si vous cherchez un éducateur canin pour vous faire accompagner, prenez-le en compte dans votre choix.
